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Le 30 octobre 1980, Coluche annonçait sa candidature aux élections présidentielles de 1981. C’est précisément de cette période que traite le film d’Antoine de Caunes, Coluche, l’histoire d’un mec, sorti le mercredi 15 octobre 2008. Simple coup médiatique au départ, la candidature de Coluche devient des plus sérieuses lorsqu’un sondage le crédite de 16 % des intentions de vote. Candidat des abstentionnistes, il appelle tous les « fainéants, les crasseux, les drogués, les alcooliques, les pédés… » à voter pour lui.

De plus en plus populaire, l’humoriste mène sa campagne en clamant des slogans tels que : « tous ensemble pour leur foutre au c... » ou « Jusqu’à présent la France est coupée en deux, avec moi elle sera pliée en quatre ! ». Cette candidature devenue gênante provoque la panique chez certains hommes politiques. Après nombre de coups bas et de menaces anonymes, Coluche annonce qu'il se retire en avril 1981. Quatre ans après, Coluche fonde les Restos du Cœur pour tous les plus démunis. Sa volonté de changer la société n’était pas qu’un rêve.

Fiche biographique

Nom : Colucci.
Prénoms : Michel-Gérard-Joseph
Nom de scène : Coluche.
Dates : né le 28-10-1944 à Paris (XIVe) ; décédé le 19-06-1986 à Opio, dans les Alpes-Maritimes.
Profession : artiste comique et comédien. Fondateur en 1985 de l'association les Restos du Cœur, pour venir en aide aux plus démunis.
Citations : « Je ne suis pas un nouveau riche, je suis un ancien pauvre ». « C'est pas parce qu'ils sont nombreux à avoir tort qu'ils ont raison ! ». « On croit que les rêves sont faits pour être réalisés. C'est le problème des rêves. Les rêves sont faits pour être rêvés. »


Fiche généalogique

Père : Honoré, originaire du Nord de l'Italie. Peintre en bâtiment, il côtoie les milieux artistiques du Montparnasse des années 1930. Il décède en 1947, à l’âge de 37 ans.
Mère : Simone Bouyer dite « Monette ». Fleuriste, elle élève seule ses deux enfants : Danièle (née en 1942) et Michel.
Épouse : Véronique Kantor ; mariés le 16-10-1975, divorce prononcé en décembre 1981.
Enfants : Romain (né en 1972) et Marius (né en 1976).


Dates clés de la vie de Coluche


L’école de la vie

1947. Son père décède alors qu’il n’a que trois ans. La jeunesse de Michel se passe à Montrouge (banlieue sud de Paris), où il vit avec sa mère et sa sœur.

1958. Juin : guère passionné par les études, il obtient néanmoins le certificat d'études.

1959. À 15 ans, il commence à travailler et effectue divers métiers (télégraphiste, graveur de plaques funèbres, garçon de café, livreur, photographe, céramiste, marchand de légumes à la criée, vendeur de journaux, préparateur en pharmacie, manutentionnaire, fabricant de guitares électriques...).

1964. À 20 ans, il est incorporé dans le 60e régiment d'infanterie de Lons-le-Saunier (Jura), où il fait de la prison pour insubordination.

1965. Mai : de retour à la vie civile, il travaille comme fleuriste avec sa mère dans la boutique qu'elle vient de créer dans le quartier de la gare de Lyon. Trouvant ce travail peu intéressant, il le quitte et se fâche avec sa mère.

1966-1967. Il se lance dans la musique et interprète des chansons de Boby Lapointe, Boris Vian, Georges Brassens, Léo Ferré ou encore Yves Montand, aux terrasses des cafés parisiens, aux côtés de son groupe « les Tournesols ».

1968. Ne se trouvant pas très doué pour la chanson, il décide de se reconvertir dans l'humour « pour rire de tout », car selon lui « Pleurer de tout, c'est crevant ! ».

Plongeur de jour, il se produit le soir sur la scène du cabaret « Chez Bernadette », dans le quartier de la Montagne Sainte-Geneviève, à Paris. Il y fait la connaissance du chanteur Georges Moustaki (né en 1934), qui l'héberge et le soutient financièrement. Il travaille ensuite au cabaret « la Méthode », rue Descartes (Paris Ve) en tant que barman et régisseur. C'est dans ce lieu qu'il fait la connaissance de Romain Bouteille (acteur et humoriste français né en 1937), qu'il présentera toute sa vie comme son modèle. Il adopte le nom de scène de « Coluche ».

Café de la Gare

1969. 12 juin : entraîné par son ami Romain Bouteille, il participe à la création du premier café-théâtre, « le Café de la Gare », avec Patrick Dewaere, Miou-Miou, Gérard Depardieu, Thierry Lhermitte, Josiane Balasko et Gérard Jugnot. Leur devise est « C'est moche, c'est sale, c'est dans le vent » ; leur succès est retentissant.

1970. Son premier sketch, C'est l'histoire d'un mec, tourne en dérision la difficulté de raconter une histoire drôle. Ses sketches suivants lui valent rapidement un succès populaire qui ne se démentira plus. Il quitte la troupe à la fin de l’année suite à des problèmes d’alcool.

1971. Octobre : le comédien et journaliste Jacques Martin (1937-2007) le recommande à Georges Folgoas (1927-2008), producteur de « Midi magazine » pour faire équipe avec Danièle Gilbert (née en 1943). L'expérience ne dure que cinq jours.

Novembre : Coluche monte la troupe du Vrai chic parisien, dont le premier spectacle s'intitule Thérèse est triste, avec une affiche dessinée par Jean-Marc Reiser (1941-1983). En raison une nouvelle fois de son comportement, il quitte sa troupe et se lance dans une carrière solo.
Carrière solo.

1974. Premier one man show Mes adieux au music-hall, à l'Olympia. C'est dans ce spectacle, qu'il étrenne le look « Coluche » avec sa fameuse salopette américaine à rayures et son tee-shirt jaune. Il y met en scène ses personnages favoris, des Français moyens aux idées étroites et bornées, s’exprimant avec difficulté et n’hésitant pas à être vulgaire.

19 mai : première apparition à la télévision lorsque l’animateur Guy Lux (1919-2003) diffuse l'Histoire d'un mec, juste avant l'allocution du perdant de l'élection présidentielle, François Mitterrand (1916-1996).

1975. Il est en tournée à travers la France lorsque toutes les radios diffusent son pastiche du jeu télévisé de Guy Lux, « le Schmilblick » (terme désignant un objet étrange ou sans importance, dont on ne connaît pas le nom). Dans ce sketch apparaît un personnage célèbre de l'humoriste : Papy Mougeot.

1978-1979. Il co-anime avec Robert Willar et Gérard Lanvin l'émission « On n'est pas là pour se faire engueuler » sur Europe 1, mais son ton provocateur le fait renvoyer. Il triomphe dans le même temps tous les soirs au théâtre du Gymnase.

1980. Janvier : passé à RMC, il se fait également renvoyer après seulement douze jours pour avoir pris l'antenne par un : « Bonjour, nous sommes en direct du rocher aux putes ».
Candidat à l'élection présidentielle.

Pour s’exprimer enfin librement, son ami Romain Goupil (cinéaste français né en 1951) lui suggère de se présenter à l'élection présidentielle de 1981. Pendant quelques mois, Coluche prépare son programme avec Romain Goupil et Jean-Michel Vaguelsy, son secrétaire.

1980. 30 octobre : Coluche confirme sa candidature à l'élection présidentielle en convoquant une centaine de journalistes au théâtre du Gymnase où il se produit tous les soirs.

Il déclare ainsi : « J'appelle les fainéants, les crasseux, les drogués, les alcooliques, les pédés, les femmes, les parasites, les jeunes, les vieux, les artistes, les taulards, les gouines, les apprentis, les Noirs, les piétons, les Arabes, les Français, les chevelus, les fous, les travestis, les anciens communistes, les abstentionnistes convaincus, tous ceux qui ne comptent pas pour les hommes politiques, à voter pour moi, à s'inscrire dans leurs mairies et à colporter la nouvelle. « Tous ensemble pour leur foutre au cul avec Coluche ». Le seul candidat qui n'a aucune raison de vous mentir ! ».

Il lance également son slogan de campagne : « Jusqu’à présent la France est coupée en deux, avec moi elle sera pliée en quatre ! ».

Du coup médiatique à l’engagement

14 décembre : un sondage publié par le Journal du dimanche le crédite de 16 % d'intentions de vote. Cette annonce crée la panique chez les principaux candidats. Coluche reconsidère alors le sérieux de sa candidature et décide de s'y engager véritablement. Plusieurs sondages le placent quasiment en troisième position, avec 10 à 12 % d'intentions de vote.

Coluche bénéficie de ralliements divers allant de Gérard Nicoud, leader poujadiste de la Confédération Intersyndicale de Défense et d'Union Nationale des Travailleurs Indépendants (CIDUNATI), au comité d'intellectuels conduit par Félix Guattari (1930-1992), comprenant notamment le sociologue Pierre Bourdieu (1930-2002) et le philosophe Gilles Deleuze (1925-1995).

L’homme politique Brice Lalonde (né en 1946) déclare que ce Michel Colucci est peut-être « l'un des meilleurs candidats de gauche ». Le Nouvel Observateur consacre sa une au phénomène « Coluche » (la même semaine que l'annonce de la candidature de François Mitterrand).
La censure.

François Mitterrand (1916-1996), le candidat du Parti socialiste, commence à redouter la candidature de Coluche. Il pense que celui-ci risque de lui prendre de nombreuses voix et le faire échouer au second tour. Le futur président tente alors de persuader Coluche d'abandonner sa candidature pour rejoindre le Parti socialiste. Il se méfie et refuse l'offre.

Valéry Giscard d'Estaing, le président en exercice, redoute pour d’autres raisons Coluche, dont il est la cible depuis plusieurs années. Pour le déstabiliser, celui-ci pourrait faire resurgir l'« affaire des diamants », révélée par le Canard enchaîné en 1979.

Pour éviter tout risque, une consigne passe sur les trois chaînes de télévision française et le réseau de Radio France : Coluche ne doit être invité à aucune émission. Tandis qu'au Gymnase le public le rappelle sur l'air de « Coluche président », le boycott des médias s'organise.

Coluche étant devenu si gênant pour les candidats officiels à la présidence, Christian Bonnet, le ministre de l'Intérieur de l'époque, aurait donné l'ordre aux Renseignements généraux d'espionner et de rechercher tout fait pouvant discréditer Coluche. C'est ainsi que l'Express reçoit des informations qu'il publie le 27 décembre 1980, où l'on apprend que Coluche a été condamné à 3 000 francs d'amende pour outrages à agent de la force publique. Le journal Minute (d’extrême droite) exhume un procès-verbal relatant un vol de Coluche à l'âge de 19 ans.

Tout s’assombrit lorsque son régisseur depuis six ans, René Gorlin, est retrouvé par la police abattu de deux balles dans la nuque (l'enquête conduira à un crime passionnel). Peu après, Coluche est menacé de mort et décide de mettre un terme à sa campagne.

Abandon

1981. 7avril : Coluche annonce qu'il se retire de la campagne présidentielle sans plus d'explications que « Je préfère que ma candidature s'arrête parce qu'elle commence à me gonfler .». Il demande alors de voter pour Mitterrand et proclame alors son intention d'entamer une grève de la faim jusqu’à ce que cesse la censure qui le frappe à la télévision et à la radio.

Période noire

1981. Décembre : il divorce de sa femme Véronique. Lors d'une édition spéciale, il pose en photo pour le magazine satirique Hara kiri avec une carabine 22 long riffle, qu'il confiera à son meilleur ami, Patrick Dewaere (1947-1982). Durant cette période d'errance, il vit en Guadeloupe où il s'adonne à sa passion : fabriquer des chaussures. Il invite la compagne de son ami Patrick Dewaere à le rejoindre sur l'île. Elle quitte alors Dewaere pour Coluche.

1982. 16 juillet : Patrick Dewaere se suicide en se tirant une balle dans la tête avec la carabine que Coluche lui avait donnée. Coluche sombre alors dans la dépression, l'alcool et la drogue

Tchao Pantin et les Restos du cœur

1983. Sa carrière d’acteur est consacrée avec le film Tchao Pantin de Claude Berri. Son rôle dramatique d'un pompiste meurtri lui vaut le César du meilleur acteur en 1984.

1985. 15 juin : il anime avec Guy Bedos le concert de l’association SOS Racisme, place de la Concorde.

25 septembre : il organise un gigantesque canular gratuit : les télévisions et la France entière peuvent assister au mariage de Coluche et de Thierry Le Luron (1952-1986), « pour le meilleur et pour le rire ». Une provocation avant-gardiste autour du mariage homosexuel et une parodie du très médiatisé mariage du journaliste Yves Mourousi (1942-1998).

1985- 1986. Il anime jusqu’au mois de mars l'émission « Y en aura pour tout le monde », sur Europe 1, ainsi que « Coluche 1-faux », sur Canal+.

1985. 26 septembre : il lance l'idée des Restos du Cœur sur Europe 1, en déclarant : « J'ai une petite idée comme ça, si des fois y a des marques qui m'entendent, je ferai un peu de pub tous les jours. Si y a des gens qui sont intéressés pour sponsorer une cantine gratuite qu'on pourrait commencer par faire à Paris. ».Jean-Jacques Goldman accepte d'écrire le tube des « Restos ».

29 septembre : Coluche bat le record à moto du kilomètre lancé sur le circuit de Nardo en Italie : 252,087 km/h.
Dès octobre, il anime « Coluche 1-faux » sur Canal+ en clair à 19 h.

Mort accidentelle

1986. 26 janvier : son émission en faveur des « Restos du cœur » récolte 26 millions de francs.

19 juin : sur le trajet à moto qui le ramène de Cannes à Opio (Alpes-Maritimes), accompagné de deux amis, il percute un camion effectuant une manœuvre délicate à proximité d'un camping sur une route sinueuse de Grasse. Les circonstances entourant cet accident alimenteront plusieurs rumeurs, dont la thèse d'un assassinat.

Avant l'accident, il avait enregistré ses essais de sketches sur une cassette (les Hommes politiques, les Journalistes, l'Administration, les Sportifs...), qu'il avait envoyée à son producteur, Paul Lederman. Ces sketches furent édités par la suite (on entend distinctement que les rires en fond ne sont pas ceux d'une grande salle à laquelle Coluche était alors habitué).

24 juin : il est enterré au cimetière de Montrouge, dans le 14e arrondissement parisien, près de la porte d'Orléans. De nombreuses personnalités du monde du spectacle assistent à la cérémonie funéraire célébrée par l'abbé Pierre, dont Yves Montand, Gérard Jugnot, Dominique Lavanant, Mathilda May, Claude Berri, Miou-Miou, Thierry Lhermitte, Michel Serrault, Josiane Balasko, Michel Blanc, Gérard Lanvin, Anémone, Richard Anconina, Michel Boujenah, Jean-Paul Belmondo, Jean Yanne et Gérard Depardieu.

1988. Deux ans après sa mort, l’article 238 bis du Code général des Impôts (dite « Loi Coluche ») est votée. Elle permet à un donateur de déduire une partie de son don de ses impôts.

2008. 15 octobre : sortie du film d’Antoine de Caunes, Coluche, l’histoire d’un mec. Le film a failli ne pas sortir ce jour car Paul Lederman, l'ancien agent de Coluche jusqu'à sa mort, réclamait la suppression du sous-titre « L'Histoire d'un mec », inspiré du titre du sketch Histoire d'un mec sur le pont de l'Alma, dont il détient les droits. S'estimant lésé par cette « contrefaçon », il demandait 150 000 euros de dommages et intérêts, qu'il s'était engagé à reverser intégralement aux Restos du cœur.

Filmographie
  • 1970. Le Pistonné, de Claude Berri.
  • 1971. Laisse aller... c'est une valse, de Georges Lautner.
  • 1973. Elle court, elle court la banlieue, de Gérard Pirès.
  • L'An 01, de Jacques Doillon.
  • Le Grand bazar, de Claude Zidi.
  • 1975. Les Vécés étaient fermés de l'intérieur, de Patrice Leconte.
  • 1976. L'Aile ou la cuisse, de Claude Zidi.
  • 1977. Vous n'aurez pas l'Alsace et la Lorraine (film réalisé par lui-même).
  • 1980. Inspecteur la bavure, de Claude Zidi.
  • 1981. Le Maitre d'école, de Claude Berri.
  • 1982.Deux heures moins le quart avant Jésus-Christ, de Jean Yanne.
  • 1983.Tchao pantin, de Claude Berri.
  • La Femme de mon pote, de Bertrand Blier.
  • Banzaï, de Claude Zidi.
  • 1984. La Vengeance du serpent à plume, de Gérard Oury.
  • Le Bon roi Dagobert, de Dino Risi.
  • 1985. Sac de nœuds, de Josiane Balasko.
  • Les Rois du gag, de Claude Zidi.
  • Le Fou de guerre, de Dino Risi.